[Synchrotron de Grenoble (Isère)]

droits Creative Commons - Paternité. Pas d'utilisation commerciale. Pas de modification.
localisation Bibliothèque municipale de Lyon / P0740 FIGRPT1428 18
technique 1 photographie positive : tirage noir et blanc ; 18 x 24 cm (épr.)
historique Douze pays européens inaugurent [le 29 septembre 1994] à Grenoble la première machine de la troisième génération à produire du rayon X "dur" et même "très dur" : le synchrotron. Les champs d'investigation sont infinis. Les espoirs aussi.
historique C'est dans une petite boîte expérimentale, un accélérateur de particules, qu'on l'a découvert, en 1947. Dix, quinze années durant, ce rayonnement, à qui l'on donna le nom de la boîte lui servant de berceau, synchrotron, a été considéré comme un empêcheur de tourner rond, un parasite. Les physiciens des hautes énergies exclusivement préoccupés par le choc des particules détestaient ses manières centripètes et les déperditions d'énergie qu'il provoquait. Il fallut attendre les années soixante pour que l'on se mette à étudier ses propriétés et qu'on lui construise des boîtes rien que pour lui. Soit : un synchroton pour qu'il naisse, une rampe de lancement, un anneau de stockage pour qu'il prenne au mieux la tangente qui est sa façon à lui de s'exprimer et des "lignes de lumières disposées en pétales autour de l'anneau. De boîte en boîte, canalisés, courbés par des aimants toujours plus sophistiqués, les rayons X ont été domestiqués pour slalomer sur des circonférences de plus en plus impressionnantes et s'attaquent maintenant aux 844 mètres du superécrin grenoblois qu'inaugurent, [le 30 septembre 1994], François Fillon, ministre français de la Recherche, et les représentants des onze autres pays européens ayant misé 3,6 milliards de francs sur dix ans, pour voir. Plus exactement, pour que leurs chercheurs puissent voir la matière comme jamais elle n'a été radiographiée, diffractée, absorbée. Deux ans avant les Américains, quatre ans avant les Japonais, le Vieux Continent se donne les moyens de comprendre l'infiniment petit avec un microscope de lumière. Chimistes, biologistes et géophysiciens, auteurs des 98 premiers projets de recherche sélectionnés, vont placer tout au bout de la lunette leurs alliages métalliques, leurs cristaux et protéines pour en pénétrer la structure intime afin de la reproduire, de l'améliorer ou de la déjouer s'il s'agit d'un virus. Des tables de granit sur coussin d'air et des vélos, des miroirs de silicium et des bouts de Chatterton, voilà ce que l'on voit, pour l'heure, à l'intérieur de l'anneau. Ou du moins dans la partie qui reste accessible aux hommes lorsque les électrons, dans un vide sidéral ourlé de plomb et de béton, ont commencé leurs rondes à raison de 350.000 tours par seconde. Et ils tournent, ces électrons, bien au-delà des premières spécifications envisagées. On voulait qu'ils tiennent huit heures, ils en font soixante et bientôt la machine n'aura plus besoin d'être stoppée une semaine sur trois. Vingt-quatre heures d'affilée, sept jours sur sept, toute l'année hormis un mois réservé à la maintenance, tournera le synchroton, appareil si lourd d'espoirs que son exploitation fait appel à un stakhanovisme, aussi pur et dur que les rayons X du lieu. Son éprouvette dans une main et son accréditation dans l'autre, le chercheur peut ainsi parvenir aux barrières de l'European Synchrotron Radiation Facility sur les coups de 23 heures pour occuper le créneau qui lui a été dévolu. Un plan, une bicyclette pour rallier sa cabine d'expérience, un cours de sécurité, un dosimètre épinglé sur le paletot et c'est parti. Accompagné des techniciens maison, épaulé ou non par les chefs d'expériences du synchroton, il en ressortira huit heures plus tard avec... une disquette. A analyser. Spécialistes des matériaux, de la recherche médicale, chimistes, géophysiciens, microélectroniciens ; tous les profils se croisent dans le grand hall expérimental, toutes les langues de la communauté européenne aussi, anglais en tête. "Cet endroit est une chance formidable pour tout le monde, dit son patron, Yves Petroff. Toutes les spécialités sont mêlées et personne ne sort du même moule". Lui, a précédemment dirigé le laboratoire d'Orsay, succède à un scientifique allemand, répond à un conseil d'administration européen et gère, pour cinq ans, la mise en orbite d'un anneau qui ressemble fort une station spatiale. Deux séminaires quotidiens complètent le brassage entre populations permanentes (400 salariés), équipes du CNRS ou du Commissariat à l'énergie atomique établies ici en voisines et chercheurs en transit. Au menu des uns et des autres, des espérances aussi variées que la naissance d'un fer vacciné contre la corrosion, la détection dans le cerveau d'un facteur de la maladie de Parkinson ou bien, dans un genre totalement fondamental, la preuve que l'hydrogène, soumis à de très hautes pressions, devient métallique et supraconducteur. Mais ce sont les biologistes, et ce n'était pas prévisible il y a cinq ans, qui ont investi massivement l'endroit et viennent ici conquérir et connaître protéines et acides nucléiques, ces molécules de la vie dont la fonction dépend de la structure atomique. Pour eux, non seulement le syncrotron réduit à quelques semaines une étude qui s'étalait sur trois ans, mais il propose de meilleurs détails de structures en resserrant ses pinceaux de lumière sur moins de un micron carré. Mieux encore, il propose des images exploitables prises en 50 picosecondes, soit 10 puissance moins 12 secondes et, à condition que déclencheurs et détecteurs suivent le mouvement, il fera de la dynamique des particules l'aventure du futur. L'anneau magique doit pourtant faire ses preuves, et vite. C'est-à-dire jouer de toutes les complémentarités offertes par le polygone scientifique de Grenoble. Mais aussi obtenir dans les trois ans des résultats assez flagrants pour être relatés par les publications scientifiques de premier niveau. Les budgets annuels, en rediscussion perpétuelle entre les douze pays qui font varier leurs participations de 4% (les pays nordiques) à 27% (Allemagne et France), ne s'en porteront que mieux. La timide approche des industriels en serait de même dynamisée et permettrait à l'Europe de conserver l'avance prise sur les Américains et les Nippons qui, eux, font carrément financer leurs lignes de lumière par le privé. Source : "L'anneau magique" / Sophie Bloch in Lyon Figaro, 29 septembre 1994, p.1 et 4.
note à l'exemplaire Négatif(s) sous la cote : FIGRP07018.
note bibliographique Wikipédia. [En ligne] : https://fr.wikipedia.org/wiki/European_Synchrotron_Radiation_Facility (consulté le 16-10-2022).

Retour